Rencontre des acteurs de la micromobilité à Lyon

Début avril, une délégation bruxelloise d’une quinzaine de personnes s’est rendue à Lyon pour rencontrer leurs homologues dans la micromobilité. Deux jours intenses parsemés de visites et de rencontres. Découvrez ce que nous y avons appris.

La filière vélo en France

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La première après-midi débute au Grand Plateau le 1er avril 2025. Nous y sommes accueilli par Vincent Monatte, vice-président du Pôle Cara, actif dans un cabinet de conseil sur l’économie du vélo et Emma Lebossé, chargée de la filière vélo au sein du même Pôle.

2005 voit naître les pôles de compétitivité en France mais c’est en 2019 que le Pôle Cara devient un cluster européen pour les solutions de mobilité. En 2021, il intègre la filière vélo. Il recouvre donc actuellement 6 filières, l’automobile, le transport industriel, fluvial, aérien guidé, le ferroviaire et le vélo & la micromobilité.

Cara est tout à la fois cluster et pôle de compétitivité. En tant que cluster, il rassemble autour d’une thématique tous les acteurs de la mobilité. En tant que pôle de compétitivité, il accompagne les projets innovants pour trouver des partenaires et du financement et cela se fait essentiellement dans la décarbonation de la mobilité.

Le pôle Cara comprend 420 adhérents dont 70 dans la filière vélo ou au total 120 actifs en diversification dans les activités vélo. En France, il existe 3 clusters vélo : le Pôle Cara, le cluster Vélo Vallée cluster Occitanie et ID4Mobility Grand Ouest.

Le Pôle a porté plusieurs projets dont celui du Grand Plateau, l’Usine à vélo coopérative, Mad industrie relocalisation des composants et la coopérative d’achat.

Les réflexions sur le vélo sont apparues assez tard dans la genèse du Pôle avec l’essor économique fulgurant du vélo en 2021 suite à la pandémie de COVID 19. Il n’y avait pas de filière structurée à l’époque et une difficulté d’identifier les acteurs, des problématiques de reconnaissance métier/formation. Tout était diffus. Sous l’impulsion d’un groupe de travail, la filière économique  France Vélo est née en 2 ans et la convention de filière signée en 2024. Grâce à cela, un premier appel à projets est lancé avec 55 millions d’€ de budget à réinjecter dans l’industrie du vélo (cadre, composants). Les objectifs sont fixés pour 2030 :

  • la production de 2 millions de vélo
  • 000 cadres fabriqués en France
  • 000 emplois dans la filière vélo pour 66.000 actuellement
  • 000 km de pistes cyclables
  • 000 établissements « accueil vélo » pour 8.000 actuellement
  • 1ère destination de vélo tourisme en Europe

Le contrat de filière se concrétise par un programme de travail pluriannuel qui comporte 16 projets prioritaires. Parmi ces projets, on citera l’établissement d’un cycle score dont un prototype est en test. Celui-ci permettra de juger les vélos sur des critères de fabrication (origine des produits, aspect environnemental et social).

Le Grand Plateau

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Le Grand Plateau est un tiers-lieu des micromobilités. Il occupe un vieux bâtiment avec 5.500 m2 d’atelier et 700 m2 de bureau en occupation temporaire pendant 5 ans (jusque fin 2027). Il est né en 2020 avec 8 entreprises qui ont pu avoir les clefs seulement en juin 2022.

 

Le Grand Plateau s’occupe de la location des espaces et de la gestion technique. Il joue un rôle de « Community manager » pour faire vivre la communauté de pairs et assure le rayonnement du site. Il est géré par 2 personnes.

Les entreprises qui s’y trouvent occupent des box séparés par des grillages amovibles. Elles sont actives dans l’assemblage des vélos ou véhicules intermédiaires, la location, les services, le conseil, etc, aux collectivités ou aux particuliers. Le site est occupé par 35 résidents qui représentent 130 salariés et font partie de l’écosystème entrepreneurial du vélo.

Le projet est né en même temps que 2 autres qui le complètent, l’Usine à vélo et la Centrale d’achat.

L’Usine à vélo

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Il s’agit d’une société coopérative qui effectue l’assemblage complet de vélos, de véhicules intermédiaires ou de roues. Elle est entourée d’un écosystème de proximité qui assure la fabrication des cadres ou la mise en peinture. Elle est totalement adaptée pour la production de petites marques de vélo car elle permet de sous-traiter le développement du produit. En effet, l’entreprise s’occupe aussi de gérer la chaîne d’approvisionnement, le stockage et l’expédition au client. Les process ont été testés avec l’ADEME, administration de la transition écologique afin de garantir la qualité notamment requise pour les petits véhicules intermédiaires.

Elle occupe 10 monteurs, un ingénieur de production et méthodes. Il existe 2 centres de formation, l’un sur 1 an et l’autre avec un cycle plus court de 3 mois ainsi que des entreprises d’insertion qui permettent d’avoir accès à un personnel qualifié en suffisance.

Elle a produit 3 à 4.000 vélos en 2024 représentant 10 à 15 marques différentes et possède 1.500 références de composants.

Ce sont les clients qui fournissent les composants, l’Usine à vélo les achète et gère les stocks. La Centrale d’achat « We are parts » avec laquelle l’Usine à vélo possède un partenariat privilégié, permet d’identifier les bons fournisseurs et de négocier des prix corrects.

Les projets de reconditionnement

Trois entreprises de reconditionnement de vélo occupe le site, Rutile, SecondCycle et AddBike.

Rutile est une entreprise qui achète des lots de vélos à des loueurs ou leasers en Europe. Elle rachète aussi des vélos auprès de particuliers. Ceux-ci sont d’abord lavés. Ils passent un diagnostic batteries. Ils sont pris en photo puis vendus en ligne à 30 – 60% de moins que le  prix du neuf. Thibaud Thome, co-fondateur et CEO de Rutile : « Les critères qualité sont stricts à l’entrée et seuls des vélos avec des moteurs Yamaha, Shimano et Bosch sont acceptés ». L’entreprise vend du neuf et de la seconde main. Elle a été rentable dès le début. Elle cherche à l’avenir à s’industrialiser.

Jérémie Sultan, chargé de développement : « Second Cycle s’adresse aux flottes des collectivités, location longue durée, office du tourisme ou loueurs de vélos ». L’entreprise cherche à faire le lien entre les flottes en fin de vie et les besoins en équipements de réemploi qui sont devenus une obligation pour les professionnels et collectivités depuis la mise en place de la loi AGEC[1].

Selon les besoins du client, les vélos sont démontés, décapés et repeint. Les pièces électriques et autres pièces défaillantes sont remplacées selon 34 points de contrôle et les pièces qui le nécessitent sont lubrifiées. Le rachat de flottes à valeur résiduelle basse permet de couvrir les frais du reconditionnement.

Le plus gros projet de Rutile est Free Velo’v qui a permis de reconditionner 7.000 vélos pour la Métropole de Lyon. La production se fait dans les infrastructures de l’Usine à vélo et avec des acteurs d’insertion spécialisés.

Jennifer Chaumaz, directrice commerciale chez AddBike : « Notre histoire commence en 2015 avec une idée un peu folle… : créer une poussette sur un vélo ! Renaud Colin cherche une solution pratique et modulable pour transporter ses deux enfants à vélo. Le marché ne répondant pas à ses besoins, il décide alors de fonder AddBike et lance ce concept innovant. L’idée est simple : proposer un accessoire qui permet de conserver son vélo, en l’adaptant à ses besoins ». La roue avant est changée et le vélo se transforme en triporteur. Deux autres types de vélo cargo sont développés par AddBike. Tous les vélos cargo sont assemblés à l’Usine à vélo.

Indulo

Indulo est un projet à l’initiative de la Métropole de Lyon et porté par l’Université de Lyon. Il s’agit d’un dispositif de médiation industrielle qui propose une expérience immersive pour découvrir l’industrie en se basant sur la production d’une pédale de vélo. En somme, 2 heures de découverte où les participants pourront manipuler, expérimenter et confronter leurs avis par des échanges.

Indulo est un dispositif pédagogique qui a pour objectif de faire découvrir l’industrie et de tordre le cou aux nombreux préjugés à son égard. Le projet contribue à la réindustrialisation du territoire. Il contribue aussi à montrer aux jeunes femmes qu’elles ont leur place dans ces professions et que l’industrie est une industrie ouverte aux personnes en situation de handicap et éloignées de l’emploi.

Marion Nicolas, cheffe de projet Indulo : « Avec Indulo, nous permettons à des publics variés : collégiens, lycéens, personnes en décrochage scolaires, en recherche d’orientation professionnelle de venir découvrir et expérimenter l’industrie ». Les participants vont  appréhender le quotidien de 14 métiers industriels et se projeter professionnellement au sein d’une entreprise industrielle, depuis son éco-conception jusqu’à son expédition à travers 11 ateliers. Il en existe aussi une version itinérante.

Quatre pôles et leurs ateliers permettent d’entrer dans les métiers

  • le pôle conception avec les ateliers : éco-conception, matériauthèque, modélisation & fabrication additive
    • 3 métiers associés : designer industriel, dessinateur-projeteur, technicien en fabrication additive
  • le pôle production avec ses ateliers : usine connectée, usinage & automatisation, métrologie & assemblage
    • 6 métiers associés : ingénieur informatique industrielle, intégrateur robotique, technicien qualité, monteur-assembleur, ingénieur informatique, ingénieur mécanique ;
  • le pôle support avec ses ateliers : marketing, sécurité
    • 3 métiers : responsable HSE, technicien de maintenance, chargé marketing
  • le pôle logistique avec ses ateliers : gestion des stocks & transport, expédition
    • 2 métiers : agent logistique, gestionnaire des stocks

Si on veut doter notre Région d’un véritable plan industriel, on ne pourra pas faire l’économie d’avoir un outil de ce type pour sensibiliser l’ensemble des acteurs locaux à ce que représente la production actuelle, loin des stéréotypes polluants qui persistent encore dans l’imaginaire des bruxellois mandataires publics et de la population en générale.

Le projet Free Velo’v

La société Velogik est active dans la mise à disposition de vélos depuis plus de 15 ans. Elle compte 150 personnes en France dont 80 personnes à Paris qui gèrent les flottes Vélib’ et Véligo. Velogik travaille avec ARES, une société d’insertion pour la maintenance.

Amélie Miet, directrice du développement Velogik nous conte les débuts du projet Free Velo’v :  « La Métropole de Lyon était confrontée à des problèmes de qualité de l’air vu le trafic intense de voitures. En même temps, elle était très investie dans les sujets sociaux et le retour à l’emploi. Enfin, elle voulait compléter l’offre de mobilité ».

à l’initiative de son président, la Métropole a lancé un projet de service vélo musculaire  gratuit qui s’adresse aux jeunes à faibles revenus entre 18 et 25 ans tout en mobilisant les acteurs de l’insertion par l’activité économique et en valorisant les vélos destinés à la destruction.

Il y a 3 ans et demi, la Métropole lance un premier marché public avec 3 lots dont le sourcing est gagné par Second Cycle, le 2ème lot qui est le reconditionnement est gagné par une entreprise d’insertion et le troisième axé sur l’opérationnalisation est gagné par Velogik. Il s’agit d’un marché de 4,8 millions d’€ sur 4 ans dont 1,8 millions sont à charge de l’ADEME. Ce 1er marché arrive à sa fin.

Le service se matérialise par une location à 3, 6, 9 ou 12 mois pendant laquelle les étudiants doivent assurer l’entretien du vélo auprès d’un réseau de partenaires. Depuis janvier cette année, des vélos électriques sont venus s’ajouter à l’offre. En parallèle, des dispositifs pour lever les freins sont mis en place, session de mise en selle en ville, sécurisation du vélo, réduction des démarches administratives pour la location. Au niveau des jeunes, les résultats sont positifs. 90 % vont continuer à rouler à vélo.

Le volet  « communication » n’ayant pas été inclus dans le marché initial expliquerait en partie que seuls 2.500 vélos sur les 7.000 mis en service, ont été réellement utilisés. La limitation du service aux étudiants boursiers au début, une niche, expliquerait également ce faible résultat. Toutefois, il y a beaucoup de concurrence notamment avec l’offre de transport en commun. C’est la raison pour laquelle des réflexions sur l’élargissement de la cible sont en cours vers des plus jeunes, des écoles ou des entreprises.

Le prochain marché devrait se limiter à la mise à disposition de la flotte et à l’animation/l’évènementiel autour du projet.

Plus d’information : lien vers les présentations

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[1] Anti-Gaspillage et Economie Circulaire, 20% de vélos issus du réemploi dans les politiques d’achat