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REGGLO, le projet industriel circulaire maîtrisé

regglo hub 2020133 10L’aventure du mobilier circulaire

Créée en 2021 par Matthieu Michotte et Timothy Doig, deux designers expérimentés, REGGLO est un projet bruxellois de fabrication écoresponsable de mobilier neuf (bureaux, aménagements d’espaces, casiers, etc.) à partir de panneaux de bois de réemploi.

Après une quinzaine d’années d’expérience dans le milieu du commerce de détail (Retail) à concevoir des présentoirs et éléments d’exposition pour des points de vente, Matthieu et Timothy ont souhaité évoluer et adapter leurs activités à leurs valeurs en développant une offre-produits qui s’inscrive dans une dynamique de production plus écologique et respectueuse de l’environnement.

Ainsi que nous l’a expliqué Timothy, la première étape a consisté à identifier le matériau de base de leur projet, la matière réemployable qui puisse être réutilisée et upcyclée pour proposer des éléments de mobilier de qualité à des clients professionnels. Rapidement, leur choix s’est tourné vers des panneaux de bois aggloméré (de type cloisons Ikea, par exemple) notamment parce que c’est un matériau-source qui offre une véritable disponibilité en termes de réemploi à la suite, par exemple, de réaménagements de bureaux.

« Le fait est que, depuis la période COVID notamment, de nombreux bâtiments à Bruxelles sont réhabilités ou connaissent une réaffectation fonctionnelle en étant transformés de bureaux en logements, en espaces plus ouverts ou en lieux de coworking. Et, très souvent, ces cloisons existantes sont alors simplement démontées et jetées pour être incinérées, alors même qu’elles sont très souvent en excellent état. »

Une fois le matériau de référence identifié, il a donc fallu construire une filière d’approvisionnement en sollicitant des partenaires pour la récupération de ces cloisons sur les chantiers. Très naturellement, c’est avec d’autres acteurs engagés dans la circularité qu’ils ont pu mettre en place ces flux, et en particulier les sociétés bruxelloises Batiterre, Retrival et, bientôt sans doute, Coliseum.

C’est donc véritablement dans un écosystème productif circulaire que s’inscrit l’activité de REGGLO.

Parcours vers la production industrielle

Dès sa création, le projet REGGLO a été pensé et conçu pour de la fabrication de pièces de mobilier circulaire en petites séries qui puissent être commercialisées auprès des entreprises et des architectes d’intérieur. Il aura fallu un peu plus de deux ans (pendant lesquels ils ont poursuivi leurs activités originelles pour garantir un minimum de revenus) pour installer le projet et asseoir une clientèle. Mais c’est aujourd’hui chose faite, le carnet de commande de REGGLO est suffisamment bien rempli, au point que Timothy et Matthieu envisagent de recruter pour compléter les ressources de la société.

Cela étant, cette situation impose aussi de réfléchir au système de production de l’entreprise. L’augmentation du volume d’affaires peut, en effet, exiger de faire évoluer les capacités de fabrication.

Et cela fait clairement partie des grands sujets en cours de réflexion pour Timothy et Matthieu.

« Effectivement, c’est dans nos objectifs à moyen terme. Nous sommes aujourd’hui installés au Circularium et pour au moins deux ans encore. On y pense donc déjà mais la question va surtout se poser quand nous devrons déménager, en sachant qu’au-delà de la problématique des espaces dont nous aurons besoin, c’est vraiment notre stratégie d’entreprise qui est interrogée même si notre ambition c’est plutôt de rester à une échelle locale pour pouvoir continuer à fonctionner sur des circuits courts sans devoir expédier nos produits trop loin. »

Dès lors, les solutions plus ambitieuses que souhaitent explorer Matthieu et Timothy vont plutôt dans le sens de la création de nouveaux pôles de production au plus près de nouveaux fournisseurs et de futurs clients.

« C’est d’autant plus vrai qu’on voudrait maintenant pouvoir répondre à des marchés plus importants, notamment auprès d’institutions ou de collectivités dans le cadre de marchés publics. Dans ce secteur, on voit passer des demandes qui sont aujourd’hui au-delà de nos capacités de fabrication. On est donc vraiment obligés de se poser cette question de l’évolution de notre outil de production pour pouvoir disposer d’un débit plus important. »

Ainsi que nous l’a expliqué Timothy, cette évolution qu’ils envisagent est, en réalité, multidimensionnelle. Outre les problématiques d’espace et de machines, ils doivent aussi se poser la question du stockage et, plus encore, du modèle productif.

« Aujourd’hui, on produit essentiellement à la demande, ce qui implique que, même si on a quelques produits standards, on est clairement dans une démarche de sur-mesure. On adapte les éléments en fonction de la demande, au niveau des dimensions et des finitions notamment. Et ça, c’est quelque chose qu’on souhaiterait conserver. Quand on travaille des matériaux récupérés, ce n’est pas très intéressant de fabriquer et de stocker alors qu’on peut avoir besoin du matériau disponible pour des projets plus immédiats ».

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Sur cette voie de l’industrialisation, Timothy et Matthieu ont aussi développé d’intéressantes réflexions plus orientées produits. Tout en demeurant sur une logique de production à la demande, ils ont ainsi choisi de spécialiser une partie de leur offre sur la fabrication de casiers pour les entreprises pour laquelle ils ont des volumes de demande relativement importants et des coûts de production très compétitifs.

« C’est vrai que, pour nous, c’est un produit assez facile à fabriquer et à vendre, notamment parce que, d’une commande à l’autre, le produit change assez peu, en particulier au niveau des dimensions, même si les possibilités de personnalisation sont importantes en termes d’accessoires, comme les serrures par exemple.

Et donc, dans notre projet de développement, on pourrait envisager de créer un pôle de production dédié uniquement à la fabrication de casiers en calibrant précisément les machines, notamment. Mais toujours à la demande. Ça, ça aurait vraiment du sens. En sachant qu’on gardera toujours au moins un atelier pour du prototypage, de la petite série et de la recherche-développement »

On l’aura compris, l’évolution vers des formes plus développées d’industrialisation pour les entreprises de l’économie circulaire posent des questions très particulières, liées notamment à la disponibilité des approvisionnements, à la capacité de production en série et à la compétitivité de l’offre.

C’est notamment pour cela que, dans ce travail de recherche constante de nouveaux produits et de nouveaux développements, l’équipe de REGGLO s’intéresse aujourd’hui à d’autres matériaux parmi lesquels les panneaux de CLT (panneaux de bois utilisés en construction) en profitant notamment de la disponibilité de cette matière auprès de la société Ney WOW, bureau d’étude spécialisé en construction circulaire, qui valorise les chutes de bois récupérées sur leurs différents chantiers. Outre le fait de réduire les fluctuations de disponibilités des matériaux-sources et donc d’apporter une certaine sécurisation en termes d’approvisionnements, cette diversification ouvre la voie à un enrichissement du design des produits et à un élargissement de l’offre qui doit permettre à REGGLO de toucher de nouveaux marchés. 

La valeur de l’écosystème circulaire bruxellois

De manière beaucoup plus marquée que dans l’économie traditionnelle, les activités de production circulaire s’épanouissent au sein d’un écosystème local qui répond à ces enjeux particuliers.

En la matière aussi, l’exemple de REGGLO est plus qu’éclairant.

En effet, outre pour les questions d’approvisionnement de matériau de réemploi pour lesquelles des filières spécifiques doivent être mises en place, le modèle productif en petites séries à la demande (notamment pour gérer cette disponibilité des matériaux) profite des effets de partage qu’offre l’écosystème bruxellois, et particulièrement ici la structure du Circularium, un espace dédiée à ces activités durables et circulaires à Anderlecht.

« C’est vrai que, pour nous, le Circularium c’était à la fois une chance et une évidence. Nous nous sommes installés là-bas très tôt dans la vie du projet, alors même qu’on n’avait pas encore de certitudes quant au potentiel de l’activité ou à notre capacité de le développer.

Mais c’était vraiment idéal. On s’est tout de suite retrouvés dans un écosystème circulaire avec Batiterre qui est venu aussi s’installer là et la Micro Factory qui était déjà sur place. On a pu tout de suite bénéficier de cet effet collaboratif du lieu qui nous a vraiment beaucoup apporté, aussi bien en termes de conseils que de partage de machines ou de main d’œuvre à certains moments ».

Et puis, ce que Timothy a aussi tenu à souligner, c’est l’importance de l’esprit qui prévaut dans ce type d’espace partagé, cette culture de la transition qui permet de développer plus facilement collaborations professionnelles mais aussi des projets à valeur sociétale.

Dans cette architecture de développement, l’un des autres acteurs mis en évidence par Matthieu et Timothy, c’est le cluster circlemade.brussels qui a véritablement fonctionné comme un point de réseau important pour le projet en facilitant les contacts et les échanges de l’équipe avec d’autres entrepreneurs engagés dans la circularité, tels que Machao Design ou Design with Sense par exemple.

« Clairement, pour nous, le premier apport de circlemade.brussels, il est au niveau humain, en termes de rencontres, d’échanges mais aussi d’engouement partagé pour la durabilité et la transition. Et puis aussi, au niveau de la visibilité bien sûr. On était vraiment très contents, par exemple, d’être dans le catalogue. Ça prouvait notre existence et ça légitimait notre projet d’une certaine manière. »

Enfin, ce qui intéresse aussi beaucoup Matthieu et Timothy, c’est cette orientation qu’adopte circlemade.brussels vers le soutien aux activités de production et les bénéfices induits en termes de professionnalisation (sécurité, logistique, distribution, etc.), d’optimisation et de changement d’échelle.
Après bientôt trois ans d’existence, REGGLO est donc sur la voie du développement avec tout ce que cela implique au niveau de l’expérience acquise mais aussi des nouvelles questions à se poser.
Merci beaucoup, Timothy et Matthieu, pour ce partage d’expérience dans la vie de votre projet.