Rue du Bailli à Bruxelles, au cœur d’un quartier vivant et animé, est en train d’éclore une initiative inédite : le projet Bloom Brussels. Derrière ce nom, une ambition forte, celle de produire localement des lunettes artisanales, durables et circulaires, dans un secteur dominé par la production mondialisée.
Présentation par son fondateur, Laurent Marien, par ailleurs gérant et créateur de la boutique Seed Lunettes Durables.
Les spécificités de Bloom Brussels
Bloom Brussels naît de l’expérience d’un opticien bruxellois, Laurent Marien, qui, après des années en tant qu’assembleur et distributeur de lunettes durables, a décidé de remonter la chaîne de valeur et de fabriquer lui-même ses montures. « Je voulais aller plus loin que la simple sélection de belles marques : fabriquer des lunettes localement en économie circulaire, à partir de matières recyclées et naturelles, en privilégiant la qualité, le design et la durabilité plutôt que le volume », explique-t-il.
Le projet s’appuie sur trois piliers :
- Une production 100 % belge : Bloom Brussels est l’une des trois seules marques sur les milliers qui sont aujourd’hui présentes sur le marché à fabriquer effectivement ses montures en Belgique.
- Des matériaux circulaires : bois de la Forêt de Soignes, plastiques recyclés collectés à Bruxelles, ou encore bioplastiques comme le bio-acétate.
- Un artisanat haut de gamme : « On a systématiquement choisi la qualité, parfois la très haute qualité. Par exemple, nos charnières viennent d’Allemagne, ce sont les meilleures du marché. On fabrique des lunettes qui sont faites pour durer » insiste le fondateur.
À cela s’ajoute un soin particulier accordé à la réparabilité et un souci constant de limiter les déchets, jusqu’au recyclage de l’eau utilisée pour tailler les verres.
Produire en ville : une gageure
Installer une activité industrielle dans une agglomération dense comme Bruxelles reste un défi. Les contraintes sont nombreuses : coût élevé du mètre carré, difficultés de stockage, contraintes réglementaires, nuisances sonores…
« En ville, le plus grand défi, c’est l’espace. Produire à Bruxelles coûte cher, tant en loyers qu’en aménagements. Et il faut composer avec les voisins, on ne peut pas faire tout le bruit qu’on veut » résume l’entrepreneur.
La réflexion sur l’industrie urbaine, portée par le cluster circlemade.brussels, souligne que ces productions doivent se distinguer par leur taille adaptée à l’espace en ville, leur forte valeur ajoutée et leur ancrage local. Bloom Brussels illustre parfaitement ce modèle : un atelier compact (50 m² suffisent), un produit haut de gamme vendu directement au client final, et une intégration verticale qui permet de capter toute la valeur économique, de la conception au service à la clientèle.
Comment Bloom Brussels affronte cette situation
L’atout majeur de Bloom Brussels réside dans son positionnement mixte : à la fois distributeur, concepteur et fabricant. Le magasin Seed Lunettes Durables, déjà implanté et reconnu, sert de vitrine et de point de vente direct. « Le fait d’avoir été distributeur avant de produire est une force. On connaît les besoins et les goûts des utilisateurs et on vend directement au client final, ce qui nous donne la marge nécessaire pour survivre en ville », analyse le fondateur.
Par ailleurs, la petite taille de l’atelier permet une grande réactivité : les lunettes produites peuvent être immédiatement testées sur les clients, ajustées et améliorées. « Le lunetier qui fabrique voit la monture portée le lendemain. C’est une force énorme pour ajuster le produit en temps réel », ajoute-t-il.
Les difficultés
Comparé à des produits bas de gamme, le coût de production reste élevé. « Nos lunettes nous coûtent cher à fabriquer. Nous ne pourrons jamais concurrencer les marges de la production chinoise », reconnaît le porteur de projet. Le défi est donc de convaincre une clientèle prête à payer un peu plus pour soutenir une démarche locale, circulaire et qualitative.
À cela s’ajoute la complexité de la gestion de toute la chaîne de valeur : conception, approvisionnement, fabrication, distribution, communication. « Je ne peux pas tout faire. La clé, c’est d’engager et de s’entourer de profils spécialisés » explique-t-il.
Perspectives et projets
Bloom Brussels vise une montée en puissance progressive : passer de 30 paires produites par mois à 250 ou 300, tout en réduisant les coûts par l’augmentation des volumes. L’objectif est aussi de développer la distribution auprès d’autres opticiens belges : « Bloom Brussels n’a pas vocation à rester uniquement une marque de Seed Lunettes Durables. Nous voulons aussi réduire l’impact environnemental en proposant nos modèles à d’autres opticiens » précise le fondateur.
Le lancement officiel est prévu pour l’hiver 2025, avec une communication forte, des shootings photos, des événements et une campagne digitale destinée à la fois au grand public et aux opticiens.
Le rôle des partenaires bruxellois
Bloom Brussels n’aurait pas vu le jour sans le soutien des partenaires de l’écosystème bruxellois : le programme BeCircular, hub.brussels et son cluster circlemade.brussels, mais aussi des collaborations locales avec des fournisseurs de matières recyclées. « On a la chance d’être dans une région qui veut stimuler son tissu industriel. Sans ces soutiens, on n’aurait pas pu se lancer », souligne l’entrepreneur.
L’appartenance à circlemade.brussels, notamment, est perçue comme un levier essentiel : « Cela permet de s’inspirer des autres, de se sentir moins seul et de bénéficier d’expériences précieuses. Produire en ville n’est pas simple, mais on avance mieux ensemble ».
Une inspiration pour l’industrie urbaine circulaire
À travers Bloom Brussels, c’est toute une réflexion sur l’avenir de la production urbaine qui se joue. Les lunettes ne sont qu’un exemple, mais elles démontrent que des modèles existent pour réimplanter une industrie locale, artisanale et durable en ville.
« Nous relevons chaque jour le défi de fabriquer localement, malgré les contraintes d’espace, de coûts et de complexité. Mais c’est justement cette difficulté qui donne du sens à notre démarche : prouver qu’une autre manière de faire est possible, ici, à Bruxelles.
Nos lunettes ne sont pas seulement un objet de design, elles incarnent la volonté de redonner vie à une production urbaine, durable et humaine », conclut le fondateur.
Une leçon d’entrepreneur qui pourrait en inspirer bien d’autres en quête de circularité et de relocalisation.
Plus d’information : https://circlemade.brussels/membres/seed/


