Le SPF Mobilité et Transports a confié à Transport & Mobility Leuven, le soin de réaliser une étude sur l’économie liée au secteur du vélo en Belgique et son influence sur la situation socioéconomique du pays. On y constate que l’intensité de travail est 100% plus élevée pour le secteur du vélo que celui de l’industrie automobile. Une industrie à promouvoir et soutenir !
Après un bref historique, l’étude présente le poids de l’économie du vélo à travers la valeur ajoutée nette et le taux d’emploi et son évolution sur la période 2015-2022. Elle analyse le marché du vélo et son potentiel de développement. Elle termine par une analyse du comportement des utilisateurs.
L’économie du vélo en Belgique
Cette étude dresse un large état des lieux de l’économie du vélo en Belgique. Elle aborde la question à travers différents segments d’activité :
– Le développement et la production de vélos et de pièces pour vélos,
– La vente de vélos et de pièces pour vélos,
– Le leasing de vélos,
– Les vélos en libre-service et leur gestion,
– Le cyclotourisme,
– La logistique à vélo (ou cyclo-logistique),
– Les infrastructures cyclables,
– Les outils, accessoires et applications,
– Les assurances vélo,
– Les événements et clubs cyclistes, et
– Le marché de l’occasion.
En Belgique, l’économie du vélo occupait 17 434 équivalents temps plein (ETP) en 2022. Au cours des 8 dernières années (de 2015 à 2022), ce taux d’emploi a enregistré une hausse de 147 %.
À l’instar de la VAN, le taux d’emploi dans l’économie du vélo s’est envolé à partir de l’année 2020. En 2019, le secteur employait tout juste moins de 10 000 ETP.
La valeur ajoutée nette est créée dans tout le pays, avec une plus forte concentration autour des villes. C’est à Bruxelles que l’emploi est le plus concentré.
La plus haute valeur ajoutée est enregistrée par le cyclotourisme, les infrastructures cyclables et la vente de vélos et de pièces détachées. En 2022, le leasing et la location de vélos constituaient la quatrième activité principale du secteur. Ce segment a connu une croissance spectaculaire ces dernières années.
En 2022 toujours, la cyclo-logistique (ou logistique à vélo) était le sous-secteur le plus pourvoyeur d’emplois, avec plus de 7 000 ETP. Ces chiffres tiennent compte des plateformes de livreurs (Deliveroo, UberEats…) dont on connaît la précarité des emplois. Outre la logistique à vélo, le quatuor de tête des principaux pourvoyeurs d’emploi se composait du cyclotourisme, de la vente de vélos et de pièces détachées ainsi que des infrastructures pour vélos.
Dans plusieurs pôles d’activités, l’emploi a doublé ou triplé entre 2015 et 2022. C’est le cas pour la vente de vélos, le secteur des vélos partagés, le secteur du leasing, de la location de vélos, ainsi que celui de l’assurance-vélo.
Développement et fabrication de vélos
Le pôle d’activités Développement et fabrication de vélos représente en 2022 une valeur ajoutée nette de 36 millions d’€, presque le double de 2015. De son côté, l’emploi représente 293 ETP, une augmentation de 41%.
Commerce de gros et de détail
Le commerce de gros et de détail de vélos et de pièces détachées pour vélos représente une valeur ajoutée nette de 214,4 millions d’euros (+139% par rapport à 2015) et 2.813 ETP, soit une augmentation de 90%.
Leasing et location de vélos
Le leasing et la location de vélos ont généré une valeur ajoutée nette (VAN) de 101,5 millions d’euros et 189,4 ETP en 2022, ce qui représente une augmentation de 1.400 % pour la VAN et de 241 % pour l’emploi. KBC est le leader du marché du leasing de vélos.
Vélos partagés
En 2022, les activités de vélos partagés ont généré une valeur ajoutée nette totale de 35 millions d’euros, avec un effectif de 321 ETP dont 40 ETP pour JC Decaux avec Villo ! Par rapport à 2015, la valeur ajoutée nette a augmenté de 111 % et l’emploi de 138%.
Le tourisme à vélo
Pour évaluer le cyclotourisme, l’étude se base sur plusieurs données collectées au niveau local et fait l’hypothèse que le tourisme à vélo à Bruxelles est négligeable. Sur base des hypothèses, la valeur ajoutée nette du cyclotourisme en Belgique en 2022 est estimée à 214 millions d’euros et l’emploi total s’élève à quelque 3.358 équivalents temps plein.
Le marché de l’occasion et la réinsertion
L’étude analyse aussi le marché de l’occasion et la réinsertion sur le marché du travail. Dans ce cas, la valeur ajoutée nette totale s’élève à 32,5 millions d’euros en 2022 (+89% par rapport à 2015). Le marché de l’occasion, les ateliers de vélos et leurs activités connexes fournissent de l’emploi à 630 ETP en 2022 (+49%). Les cinq plus grands acteurs en termes de valeur ajoutée nette sont Groep Intro, De Fietsambassade, Cyclo, Velo et Pro Velo.
Où produit-on ?
Puisque la grande majorité des producteurs de vélos belges sont des petites entreprises, ils n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour produire en Belgique ou en Europe. La plupart des producteurs de vélos belges procèdent à l’assemblage en Belgique, mais les concepteurs de vélos de moindre envergure dépendent parfois aussi des ateliers étrangers pour l’assemblage. En 2022,
75 % des pièces pour vélos provenaient d’Asie surtout Taïwan et la Chine. Environ 24 % des pièces détachées pour vélos sont originaires d’Europe (Allemagne, Italie, Pays-Bas). La dépendance vis-à-vis des fournisseurs asiatiques pendant la crise du COVID a entraîné des pénuries de pièces et de longs temps d’attente pour les recevoir. La guerre en Ukraine a mis un terme au transport des pièces par train qui doivent maintenant venir par avion ou bateau. Pour éviter ces problèmes, l’approvisionnement en pièces détachées pour vélos se fait de plus en plus en Turquie, Hongrie, Bulgarie et au Portugal. Ce dernier pays étant le principal producteur de vélos sur le continent européen.
Intensité du travail comparée
L’intensité de travail d’un secteur se calcule en divisant le nombre d’ETP par la valeur ajoutée nette (exprimée en millions d’euros). En 2022, l’industrie automobile comptait 0,12 ETP par million d’euros de création de valeur ajoutée. Ce ratio est aussi resté relativement constant depuis 2015. Dans le secteur du vélo, l’intensité de travail a évolué de 16 ETP par million d’euros en 2015 à 12 ETP par million d’euros de valeur ajoutée en 2022. L’intensité de travail dans le secteur du vélo est donc cent fois plus élevée que dans l’industrie automobile
Le potentiel de croissance
Ces cinq dernières années, cette économie s’est développée nettement plus rapidement que le reste de l’économie belge. La pandémie du coronavirus est le catalyseur qui a fait naître un contexte favorable à un changement de comportement.
Le développement de l’économie du vélo en Belgique est porté par un ensemble de facteurs. Tout d’abord, la présence des conditions nécessaires à la pratique du vélo : un nombre suffisant d’infrastructures cyclables sécurisées et qualitatives ainsi qu’une offre exhaustive et variée de vélos (dont des électriques). Ensuite, un contexte politique favorable à la mobilité à vélo avec notamment l’indemnité vélo pour les travailleurs, le régime fiscalement avantageux pour les vélos (d’entreprise) et l’inclusion d’une politique cyclable concrète dans les plans de mobilité.
L’étude analyse 4 activités relativement nouvelles liées au vélo qui connaissent une croissance exponentielle tout en disposant encore simultanément d’un important potentiel de développement. Ce sont le leasing de vélo, et les assurances vélo qui y sont liées, les vélos en libre-service, et la logistique à vélo. Ces activités ont fait l’objet d’une analyse du potentiel de croissance.
Le potentiel de croissance a été établi sur base des hypothèses suivantes :
Pour les vélos partagés, l’étude suppose que la Belgique évoluerait vers le point de référence européen pour les systèmes de vélos partagés, à savoir 35,4 unités pour 10 000 habitants.
Pour le leasing de vélos, l’étude part du principe que 15 % des travailleurs belges peuvent profiter d’une telle mesure. Ce pourcentage est comparable à la proportion actuelle de bénéficiaires d’une voiture de société.
Pour la logistique à vélo, l’étude présume que 25 % de l’ensemble des livraisons urbaines seraient effectuées à vélo.
En conclusion, le scénario du leasing de vélos est celui qui produit la plus grande valeur ajoutée tandis que le scénario de la logistique à vélo est celui qui implique le plus fort taux d’emploi sur la base du nombre d’ETP. Pour ce dernier, le potentiel de croissance est important.
Urbike
Un volet spécifique est consacré à Urbike et la livraison « dernier km » en vélo-cargos qui met en évidence une série de défis pour le secteur dont la part est estimée à 1% des livraisons actuellement mais dont le potentiel avoisinerait les 25 %.
Zones géographiques
Lorsqu’il est tenu compte du potentiel de développement par zone géographique, il apparaît clairement que le plus grand potentiel de croissance pour le vélo se situe en Wallonie. La part modale du vélo (7%) y est encore nettement inférieure aux valeurs atteintes à Bruxelles (12%), mais surtout par rapport à la Flandre (46%). Au sud du pays, le vélo est encore considéré comme un loisir et n’est pas encore ancré comme un moyen de transport à part entière. Signalons que le potentiel est encore important sur Bruxelles également. Toutefois deux conditions sont nécessaires à la poursuite de la croissance : un nombre suffisant d’infrastructures cyclables sécurisées et de qualité ainsi qu’une offre de vélos suffisante, qualitative et variée.
Les comportements
Plusieurs études montrent que les consommateurs cyclistes visitent plus fréquemment un même point de vente et finissent donc par y dépenser plus d’argent que les clients qui viennent en voiture.
La part modale du vélo dans les déplacements domicile-lieu de travail a presque doublé entre 2005 et 2014. L’utilisation du vélo s’est intensifiée dans toutes les régions, mais c’est à Bruxelles que l’évolution a été la plus forte. À Bruxelles, le nombre de navetteurs à vélo en 2021 était presque cinq fois plus élevé qu’en 2005.
Les déplacements domicile-travail actifs améliorent non seulement la santé physique et mentale des travailleurs, mais aussi leurs prestations, ce qui se traduit par des avantages économiques pour les travailleurs et la société dans son ensemble.
En outre, les travailleurs cyclistes ont une empreinte carbone nettement inférieure à celle des travailleurs qui se déplacent en voiture.
Autre constatation, parmi les navetteurs, les cyclistes sont ceux qui présentent le plus bas niveau de stress et ressentent le plus de plaisir durant leurs trajets.
L’étude : https://www.tmleuven.be/en/project/The-cycling-economy-in-Belgium