Le groupe Terre a fêté ses 75 ans en 2024. Lors de notre visite le 5 juin, nous avons pu découvrir la diversité des métiers qui le compose, la manière dont il incube de nouveaux projets. Nous avons aussi découvert les défis qui attendent l’usine de production des panneaux Pan-terre.
Le groupe Terre
Ce 3 juin 2025, nous sommes chaleureusement accueillis par Jonas Dembour, animateur et formateur au sein du groupe Terre depuis 3 ans et Charles-Antoine Kervyn, conseiller à la Direction générale pour l’aspect commercial et production des panneaux d’isolation acoustique.
Lancé en 1949 dans l’après-guerre, Terre a fêté ses 75 ans en 2024 !
À présent, l’entreprise compte 488 travailleurs répartis dans 16 entreprises d’économie sociale principalement dans la Province de Liège mais aussi à Charleroi et dans la Province du Luxembourg. Le groupe est actif dans plusieurs domaines du réemploi et du recyclage. Grâce aux trente ans de bénévolat des militants de départ, il a pu se constituer un capital qui lui permet d’exercer ses métiers à l’heure actuelle.
Jonas Dembour : « La volonté du groupe est de pratiquer l’insertion socio-professionnelle et de donner un emploi stable et pérenne aux personnes à travers les diverses activités ». On peut ainsi y rencontrer des personnes ayant plus d’une trentaine d’année d’ancienneté.
Le capital de chacune des entités est détenu par les autres personnes morales du groupe. Autre particularité et non des moindres, la gouvernance démocratique et participative est assurée dans l’ensemble des filiales.
Les activités
Les différentes activités du groupe sont exercées principalement à travers des coopératives et en moindre mesure des asbl.
L’asbl Terre est née dans les années 80 autour de la récupération textile. C’est elle qui comprend la plus grande partie du personnel de l’ensemble du groupe, à savoir 63%.
Récol’Terre de son côté assure la collecte de déchets ménagers et industriels, PMC, verre, papier-carton notamment.
La société TRI-TERRE effectue le tri des papiers-cartons de toute la province de Liège. Elle met à disposition des conteneurs de différentes tailles et un service d’enlèvement.
Grâce à ces papiers, l’entreprise Pan-terre produit des panneaux d’isolation acoustique qui fait l’objet d’une visite plus approfondie (voir plus loin).
L’entreprise Acoustix commercialise des solutions de correction acoustique et d’isolation acoustique. Celle-ci est une société anonyme.
Co-Terre installe des cloisons amovibles et mobiles et propose différentes solutions de traitement acoustique.
Fleur est un service social. L’entreprise accompagne les personnes en situation de précarité. Cet accompagnement se concrétise par un service de logement, de déménagement social et de magasins de seconde main où les personnes peuvent trouver une activité de réinsertion.
Autre Terre, est une asbl en appui à des partenariats Nord/Sud dans la gestion des déchets et l’agroécologie.
L’incubation de nouveaux projets
Avec le temps, la concurrence se renforce et le tri des papiers qui était au départ manuel a dû être automatisé. La perte des emplois qui en est la conséquence a poussé le groupe à chercher de nouveaux métiers. De même, la situation actuelle en matière de textile (fast fashion, produits de très faible qualité) induit la recherche de nouveaux métiers.
En 2020, le groupe initie une démarche « les métiers de demain » basée sur la recherche de métiers de la terre et de la récupération, toujours en insertion socio-professionnelle. Dans cette veine apparaissent les projets BatiTerre, Terra Alter et la Ressourcerie (R FAG – Famenne Ardenne Gaume) ainsi qu’un projet de nettoyage de consignes mais qui a dû être arrêté par le groupe.
Le même modus operandi est appliqué à chaque fois. Au sein du Groupe Terre ou du partenaire concerné, le projet est testé puis un atelier est mis en place et enfin une structure juridique est constituée et l’entreprise peut grandir.
BatiTerre
Charles-Antoine Kervyn nous explique : « BatiTerre, installée à Bruxelles, est un partenariat entre le groupe Terre et Batigroupe. BatiTerre est une plateforme en ligne de seconde main pour des matériaux de construction que nous avons lancée en 2020. De son côté, Batigroupe est actif dans le négoce de matériaux de construction. L’entreprise a été initiée en 2004.
À l’époque, je me rends compte que nos camions qui reviennent des livraisons sur chantier, reviennent à vide ». Une réflexion sur la logistique inverse est alors menée.
En 2018, un financement Be Circular est obtenu. L’activité est tout d’abord hébergée chez Batigroupe et Nicolas Smets est engagé en 2019. Divers modèles sont testés à ce stade. Au début, La Poudrière met à disposition quelques mètres carré et du rayonnage puis l’entrepôt grandit pour se trouver actuellement sur le site de Circularium.
Il y a 8 personnes chez BatiTerre mais le marché de la vente n’est pas encore mûr. C’est pourquoi l’entreprise diversifie ses sources de revenus en offrant 3 pôles d’activité : la vente de matériaux de seconde main, la remise en œuvre sur chantier des matériaux et le conseil à travers des inventaires pré-démolition rendus obligatoires pour certains chantiers. Grâce à l’évolution du cadre normatif, cette source de revenu est devenue la principale de l’entreprise qui a d’ailleurs développé un savoir-faire reconnu dans ce type d’inventaire.
L’entreprise essaie aussi de travailler à flux tendu. Lors de ses inventaires réemploi, elle identifie les matériaux et peut ainsi les proposer directement à ces clients en attente sans passer par la case « stock ».
De son côté, le WoodPark (dont l’investissement a été financé par le FEDER à travers le projet Irisphère II porté par citydev) qui consiste en une série de machines destinées à préparer les bois récupérés sur chantier, n’est pas encore rentable.
Tout récemment, une émanation de BatiTerre soutenue par la Région Wallonne s’est lancée à Liège.
ULEA
Entre 2022 et 2024, le Groupe Terre initie une unité de lavage de récipients alimentaires. Assez rapidement, le groupe se rend à l’évidence, pour obtenir la rentabilité, il faut atteindre un volume conséquent de récipients et faire de gros investissements en machines. Alors que l’entreprise arrivait à peine à 1 million de consignes/an, il faut atteindre un flux de 5 millions pour être rentable. Le projet a été transmis à l’entreprise privée Bring Back qui continue cette activité dans une version plus commerciale.
Terra Alter
Terra Alter a été lancée en 2024 après plusieurs mois d’analyse. Il s’agit d’une légumerie solidaire qui fait le lien entre les producteurs locaux et les cuisines de collectivités (écoles, crèches, hôpitaux). L’atelier de découpe prépare les légumes frais, locaux et bio pour ces cuisines. Ce projet a nécessité une démarche commerciale de persuasion car le prix des produits est deux fois plus cher que celui des surgelés polonais mais il est clair que la qualité n’est pas la même.
La Ressourcerie FAG
Cette ressourcerie a été mise en œuvre en 2023. Elle opère sur la province du Luxembourg. Elle vient collecter à domicile les meubles et objets du quotidien en bon état. Ces produits sont triés par l’équipe avant d’être mis en vente à petits prix dans leur magasin à Libramont ou avec les sociétés partenaires (Terre et l’Entrep’Eau).
L’usine de production Pan-terre
Cette entreprise a été créée dans les années ’80. Elle s’est progressivement mécanisée et automatisée. L’unité vend annuellement 130.000 m2 de panneaux d’isolation acoustique pour un chiffre d’affaires annuel assez constant d’une année à l’autre de 1,6 millions d’€. Elle occupe 10 ETP. Elle est active sur la Belgique, la France et le Grand-Duché du Luxembourg.
Les matières premières entrant dans la composition du panneau sont naturelles : déchets de papier et paille de lin. Mélangées à de l’eau, celles-ci forment une pâte qui sera tout d’abord pressée pour en évacuer le surplus d’eau puis le panneau est séché dans un four pour être enfin poncé/raboté et mis à dimension.
Plusieurs produits sont proposés : le panneau nature, le panneau avec une finition plâtre, fibro-plâtre ou OSB.
Il s’agit de panneaux acoustiques premium dont le prix est 30% plus cher que celui des panneaux en fibres de bois par exemple. Cependant, il possède un grand atout : tout est normé. Tous les types d’utilisation (plancher, plafond, mitoyen) ont été testés et validés par Buildwise, le centre d’innovation pour la construction. Reste évidemment que la mise en œuvre doit se faire en toute connaissance de cause pour atteindre les performances annoncées, jusqu’à -73 dB !
Jusqu’en 2024, l’entreprise s’en sortait relativement bien car elle disposait d’un contrat d’énergie à prix fixe mais depuis 2025, un surcoût annuel de l’ordre de 150-200k € viendra s’ajouter à ses frais d’exploitation dû au coût de l’énergie notamment pour le séchage des panneaux.
Vu le prix de vente déjà élevé, la seule solution sera de réduire les coûts de production. C’est ainsi que plusieurs possibilités sont envisagées et en cours de test pour l’avenir. On évoque ainsi un nouveau process avec un travail de défibrage à sec pour éviter la phase de séchage. On évoque également une composition 100% papier recyclé qui est en cours de certification mais ne sera commercialisable que dans 2 ans. On évoque aussi l’utilisation de textile comme matière première qui renforcerait la performance liée au concept « masse-ressort-masse » nécessaire à une bonne isolation acoustique. Dans une période intermédiaire, une sous-traitance pour l’encollage est envisagée.
Plus d’information : https://www.groupeterre.org/