Gouvernance participative, l’expérience du groupe Terre

Intéressés par la Gouvernance participative, quelques entreprises ont eu l’occasion de participer à la table ronde interactive avec un représentant du groupe Terre, le 12 novembre dernier. Ce fut l’occasion de comprendre la manière dont le groupe met en place cette gouvernance en démocratie directe, héritée de son histoire. Un parcours intéressant qui ne cesse de se réinventer pour atteindre ses objectifs.

Le groupe Terre

Le Groupe Terre, ce sont 16 entreprises d’économie sociale représentant 488 travailleurs en Wallonie et à Bruxelles. Les 3 lignes de force du groupe, sont le réemploi, la création d’emplois locaux et la démocratie.

Le groupe compte 75 ans d’histoire basée au début exclusivement sur des bénévoles. Ce n’est qu’en 1980 que l’entreprise emploie des salariés.

La démocratie directe

Dès le départ, l’entreprise fait le choix de la démocratie directe, càd sans représentation syndicale.

Cette gestion participative porte sur la prise de décisions stratégiques, politiques et opérationnelles en impliquant directement tous les travailleurs dans le débat et les décisions. Pour mettre cela en place, l’entreprise se fonde sur 3 postulats :

  • Tous les travailleur·euses ont des capacités pour participer à la gestion de leur entreprise;
  • L’éducation et la formation (renforcement des capacités) permettent d’acquérir les compétences nécessaires pour participer;
  • La mise en commun de ces capacités garantit la poursuite du but social que le groupe Terre s’est fixé et renforce la qualité de la gestion.

En pratique

Il existe différents lieux de participation au sein du groupe. Ces lieux sont matérialisés par 4 grands types de réunion et 2 organes que sont le Conseil d’Administration et l’Assemblée Générale.

Chiffres & lettres

Tout d’abord la réunion « chiffres & lettres ». Cette réunion mensuelle permet de s’informer et de comprendre l’actualité à travers la diffusion d’une information pertinente pour chacune des entités, les chiffres du groupe et d’avoir un focus plus précis sur une activité. Elle se déroule 10 fois sur l’année pour toucher l’ensemble du personnel en plus petits groupes. Son objectif est de permettre à chacun de comprendre les enjeux qui se cachent derrière les chiffres notamment par un effort de vulgarisation des données (tonnage, m2 de panneaux transformés en exemples parlant).

Réunion de secteur

Il y a ensuite « la réunion de secteur ». Celles-ci diffèrent d’un secteur à l’autre. Le responsable du secteur anime ces réunions dans l’idée de partager la réalité de terrain et de chercher des solutions ensemble pour améliorer la situation. Il y a au moins une prise de décision collective par réunion et la fixation d’objectifs communs. Sur les 16 entités, on compte une trentaine de secteurs. Toutes les décisions ne sont pas prises de manière collective. Dans certains cas, vu l’expérience, les compétences ou la rapidité à laquelle une décision doit être prise, ce sera le responsable de secteur qui choisira la manière de procéder.

Par ailleurs certaines personnes ne sont pas à l’aise avec la prise de parole en public. L’entreprise favorise ainsi une sorte d’écolage à la prise de parole. Un tour de table est effectué systématiquement, même si la personne n’a rien à dire. De façon à ce quand le moment sera venu, elle puisse être suffisamment à l’aise pour exprimer ce qui s’est passée la semaine et proposer des améliorations. La participation n’est ainsi pas imposée à tout le monde. Une plateforme où se trouvent les PV de réunion est accessible en tout temps. Certains secteurs voient plus de participation que d’autres. Pour le recrutement d’un directeur, un comité de recrutement est formé constitué de travailleurs.

Le système est hérité d’il y a 40 ans et cherche à se réinventer au fil du temps.

Petit déjeuner thématique

Il y a ensuite le « petit déjeuner thématique ». Celui-ci est programmé 2 fois par an dans un esprit plus ludique. Il aborde une thématique de société qui sort du cadre de travail. Il est destiné à favoriser les échanges et les rencontres. Les sujets sont choisis d’après un sondage auprès du personnel. Les derniers sujets traités portaient sur la révolution énergétique, l’intelligence artificielle ou le budget des ménages.

La grande réunion

Ensuite, il y a « la grande réunion ». Elle est similaire à l’AG. Elle regroupe tous les travailleurs d’une entreprise du groupe. On y parle du bilan de l’année écoulée et on valide les choix stratégiques propres à l’entreprise. Elle est composée des administrateurs et des travailleurs de l’entreprise concernée. Certaines entités sont regroupées mais cela représente tout de même 12 réunions par an. Cette réunion est plus flexible que l’AG. On y transmet de l’information et des explications sur les comptes. On y traite de sujets tels que le rebranding. On y vote la décharge des administrateurs. On évalue la politique du personnel, des formations.

L’Assemblée Générale

L’Assemblée Générale est le lieu où on va prendre les décisions stratégiques pour l’ensemble du groupe. Tou·te·s les travailleur·euse·s peuvent devenir membre en adressant une demande motivée. Le principe « une personne = une voix » est appliqué. Cette AG découle des obligations légales et suit directement la grande réunion des secteurs.

Le Conseil d’Administration

Celui-ci est nommé par l’AG du groupe. Il est composé de minimum 6 personnes. Il assure la gestion et la responsabilité de l’entreprise. Une mixité de profils et de compétences est recherchée.

Les enjeux de la participation

Le financement

L’entreprise est couverte par 2 agréments pour financer cette gouvernance participative, le congé éducation-payé qui couvre les 32 heures de réunion sur l’année et l’agrément en éducation-permanente qui finance 2,5 ETP pour soutenir l’organisation du système.

Le choix de participer

Tous les 4 ans, un référendum est organisé pour vérifier l’adhésion du personnel au modèle de gouvernance.

Chaque année une évaluation a lieu pour estimer si le cycle est utile à la gestion de l’entreprise. Le taux de satisfaction sur le dispositif est de 80%.

La reconnaissance légale

Le modèle n’est pas reconnu en tant que tel au niveau légal. Tous les 4 ans, l’entreprise doit organiser les élections syndicales. Les travailleurs peuvent se syndiquer individuellement mais ils n’ont pas de représentations syndicales au sein de l’entreprise. L’idée dans le futur est d’aller vers un dialogue avec les syndicats.

La double casquette des responsables

Le responsable de secteur joue un rôle majeur dans l’impulsion à la gestion participative de ses travailleurs. C’est lui qui choisira dans certains cas s’il prend la décision ou si celle-ci se prend en collectif. Il s’agit d’un enjeu important pour la réussite de la mise en place du modèle.

La gouvernance participative adaptée à la réalité des entreprises

Les travailleurs sont répartis sur l’ensemble du territoire. Pour pouvoir assister aux réunions, les magasins doivent être fermés un demi-jour, ce qui constitue un manque à gagner important surtout avec la situation actuelle en matière de textile. Il va donc falloir se réinventer, en utilisant le distanciel ou en adaptant les horaires aux réalités de chacun des secteurs.

Plus d’information : groupe Terre