Un vrai projet industriel
Fondé en 2017 par Guilain Sevriere, Bel Albatros est une société circulaire bruxelloise qui produit des panneaux de plastique recyclé à partir de déchets industriels récupérés principalement auprès d’autres entreprises du secteur de la plasturgie. Au sein de la riche galaxie circulaire de la capitale, Bel Albatros se distingue par son profil quasi industriel, par son ingénierie technique spécifique et par sa capacité à traiter des volumes de déchets-ressources relativement importants.
Après des années d’essais techniques et de maturation de son positionnement, Bel Albatros est parvenu à construire son modèle de développement avec comme principaux clients les secteurs du design, de l’architecture d’intérieur, de l’ameublement et, plus globalement, des activités créatives.
Parce qu’avec le système de fabrication que Guilain et son équipe ont mis en place, ce sont des matériaux de très haute qualité esthétique et fonctionnelle que Bel Albatros produit aujourd’hui. Tant au niveau des déclinaisons et mélanges de couleurs qu’en termes de formes ou de dimensions, ces plaques de plastique recyclé haut de gamme permettent des développements créatifs qui séduisent aujourd’hui de nombreux designers et concepteurs.
Ainsi que nous l’a expliqué Guilain, c’est donc le fruit d’une assez longue réflexion :
« Le fait est qu’on a mis du temps à trouver notre process technique ainsi que notre niche de clients. Ce n’est que lorsqu’on a finalement recentré notre activité sur la production de panneaux qu’on a vraiment réussi à disposer d’une offre cohérente qui a vraiment rencontré son marché.
L’avantage de cette technique qu’on a mise au point, par rapport à un produit réalisé par injection par exemple, c’est que notre produit maintenant n’est pas un produit fini, c’est en réalité un produit semi-fini qui peut être retravaillé par nos clients, ou par nous-mêmes à leur demande, et c’est ça qui les intéresse ».
Enjeux de croissance
C’est donc à une véritable maturité qu’est parvenue la société Bel Albatros après ces cinq années de réflexion, d’essais et de recherches. Le projet est tout à fait remarquable en ce qu’il se fonde sur la mise en point d’un véritable procédé industriel original, bruxellois et circulaire capable de recycler des quantités relativement importantes de déchets pour produire des matériaux à haute valeur-ajoutée pour des secteurs à fort potentiel de création.
Ainsi, à partir de déchets de la plasturgie ou d’objets plastique collectés auprès d’entreprises d’une certaine taille (Coca-Cola, par exemple, qui a voulu se débarrasser de dizaines de milliers de pailles jetables ou Exki qui a fait de même avec ses couverts), Bel Albatros produit ces plaques qui serviront à faire des éléments de mobilier design pour des grands hôtels, des restaurants ou des bureaux mais aussi pour des artistes et même pour la fabrication d’un petit voilier dont la coque est entièrement réalisée avec ces panneaux de plastique recyclé.
Pour autant, l’entreprise Bel Albatros est-elle en capacité de peser de manière significative sur le recyclage de masse du plastique en région bruxelloise ?
Non. Pas encore, en tout cas. Tout d’abord parce que les déchets-ressources sont d’origine industrielle et non pas des déchets plastique ménagers qui constituent une part importante de l’ensemble (et qui sont encore majoritairement incinérés). D’autre part, parce que si le système mis en place par Guilain et son équipe permet de transformer des quantités relativement importantes de déchets (deux à trois tonnes par mois), on est encore loin des capacités nécessaires pour réduire significativement les volumes de plastique non-recyclé à Bruxelles.
Et enfin parce que Bel Albatros n’est pas véritablement intégrée dans la filière de traitement mise en place par Bruxelles Propreté et ses partenaires, ainsi que nous l’a expliqué Guilain :
« Bien que nous soyons hébergés chez Recy-K, le centre d’économie circulaire de Bruxelles Propreté, nous ne remplissons pas toutes les conditions techniques et logistiques pour traiter les déchets qu’ils ont à gérer. Disons qu’on n’a pas encore réussi à bâtir un vrai partenariat avec eux. Affaire à suivre, donc ».
La suite des aventures
Pour autant, cette capacité à traiter des volumes importants reste un objectif majeur pour Bel Albatros. Guilain a clairement cet horizon à l’esprit mais cela nécessiterait de nouveaux investissements. Or, en la matière, il privilégie aujourd’hui le positionnement adopté, c’est-à-dire la production de matériaux de grande qualité pour des besoins très spécifiques, ceux des designers, architectes et artistes qui constituent le marché que Bel Albatros est en train de conquérir.
Ainsi qu’il le souligne, « ce sont les clients en réalité qui nous font monter en échelle dans la mesure où nous travaillons à la demande. Plus on s’organise au niveau des équipes et des machines pour pouvoir répondre aux demandes, plus on aura besoin de matière première, donc de déchets plastique. Ça revient à dire que ce sont les clients qui augmentent notre capacité de production, donc les volumes que nous traitons et, par là-même notre impact environnemental ».
Donc, pour Bel Albatros, la priorité, c’est de compléter le parc de machines pour disposer d’un site pleinement opérationnel pour atteindre ces objectifs et se positionner durablement sur ce marché.
Et la suite alors ?
« En fait, sur du long terme, ce que nous voulons c’est finir d’équiper le site ici à Bruxelles pour disposer d’un modèle reproductible, duplicable. L’idée, ce serait d’ici à deux à trois ans qu’on soit en capacité d’installer le même genre de site dans un autre pays européen, peut-être le Grand-Duché de Luxembourg, la Suisse ou l’Allemagne.
Parce que, pour nous, c’est important d’avoir une approche locale, que le site de traitement soit proche de ses fournisseurs et de ses clients ».
Et puis, bien sûr, il y a circlemade.brussels que Guilain considère comme un vivier important de partenariats potentiels. « Nous, on est des producteurs pour des créatifs. C’est aussi pour ça que le réseau est super-important pour nous, surtout que circlemade.brussels, ce sont des gens avec qui on partage les mêmes valeurs, les mêmes sensibilités aux enjeux environnementaux et sociétaux ».
C’est donc une sacrée aventure dans laquelle se sont lancés Guilain et son équipe, avec des perspectives qui se dessinent enfin clairement après ces années de recherche et d’essais dans différentes directions.
Et c’est surtout cela qu’il veut partager avec nous, l’importance de prendre le temps. « Il faut se lancer à 100 %, c’est certain. Et puis, c’est au fil des rencontres et au fil des erreurs qu’on peut faire qu’on apprend et qu’on se réoriente jusqu’au moment où le chemin s’éclaircit et on voit où on va. Et ça, c’est vraiment super ! ».
On veut bien croire. En tout cas, une très belle réussite et des perspectives plus qu’enthousiasmantes.