Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

5 entreprises du cluster témoignent

La production circulaire en ville, défis et solutions

Jeudi 26 septembre, circlemade.brussels a organisé à la Tricoterie à Saint-Gilles dans le cadre de la Shifting Economy Week, une rencontre d’entrepreneur.e.s circulaires et durables pour témoigner des enjeux, défis et solutions de leur implantation et de leur développement en région bruxelloise. Étaient ainsi invités à raconter leurs parcours et leurs aventures Stéphanie Cornet de Savvy (anciennement Trait Déco), Guillaume Aubert de Fix’it, Abdoulaye Bah de Simandu, Anas Ksabi de Conscient et Guilain Sevriere de Bel Albatros.

 

De bonnes conditions pour démarrer

Animés par Patricia Foscolo, coordinatrice de circlemade.brussels, ces échanges ont véritablement permis de mettre en évidence les réalités concrètes qu’ont rencontrées ces entrepreneur.e.s dans la réalisation de leurs projets. En commençant par le début et la création de leurs activités. Si les témoignages des uns et des autres diffèrent évidemment, tous ont souligné l’opiniâtreté et la créativité dont ils ont dû faire preuve pour démarrer.

Anas, cofondateur de la société Conscient qui produit des peintures et produits d’entretien durables et naturels : « Au début, nous n’avions pas de partenaire pour nous soutenir, nous avons dû commencer chez nous à la maison, dans la chambre puis dans la salle de bain et dans la cave. Ce n’est qu’à partir du moment où nous avons bénéficié de la bourse Be.Circular que nous avons vraiment pu décoller et investir dans des locaux et du matériel ».

En écho à cette intervention, plusieurs autres intervenants invités ont témoigné de l’importance des dispositifs de soutien mis en place par la Région bruxelloise pour accompagner leurs démarrages, qu’il s’agisse effectivement du programme Be.Circular largement plébiscité, des subventions d’Innoviris, l’agence bruxelloise de l’innovation, ou du programme de greenlab, l’accélérateur de start-up durables de hub.brussels grâce auquel Guilain Sevriere notamment a pu poser les bases de Bel Albatros, une entreprise qui produit et vend des panneaux à partir de déchets plastiques recyclés. 

Le défi des espaces de travail

Outre Conscient, Bel Albatros et Savvy (qui fabrique des mobiliers et aménagements d’intérieur écoresponsables), notre panel de témoins comprenait deux autres membres de circlemade.brussels actifs dans la réparation et le reconditionnement de matériel informatique et de petits électroménagers (Abdoulaye Bah de Simandu) et dans la réparation et l’entretien de gros matériels électroménagers domestiques (Guillaume Aubert de Fix’it).

Bien qu’actifs dans des domaines assez distincts, leurs activités respectives se caractérisent par des besoins importants en termes d’espaces de travail, que ce soit pour produire ou pour réparer. Et là, force est de constater qu’il s’agit là d’un des principaux défis que rencontrent ce type d’entrepreneuses et d’entrepreneurs. En effet, si des solutions existent de type incubateurs ou pépinières (Recy-K, Greenbizz, le Circularium, etc.), le fait est que les places sont comptées et qu’elles n’offrent par définition que des solutions temporaires. Et, on le sait, l’immobilier d’entreprises à Bruxelles est plutôt rare et souvent onéreux.

Sur ce sujet, le témoignage de Guillaume Aubert de Fix’it était plus qu’éclairant : « C’est vrai que pour nous, cela a été assez compliqué. Ni citydev.brussels, ni Greenbizz ne disposaient de locaux adaptés à nos besoins, nous avons donc cherché auprès des bailleurs privés. J’ai ainsi visité plus d’une quarantaine de locaux, dont certains étaient vraiment dans un état catastrophique, avant de trouver l’espace capable d’accueillir notre atelier. Et le coût est quand même assez élevé, près de 2 000 € par mois pour 150 m². Et cela n’est pas suffisant pour nous permettre d’aborder notre croissance sereinement. »

Confirmé d’une manière ou d’une autre par les autres entrepreneuses et entrepreneurs présents, ce témoignage illustre l’une des fragilités connues aujourd’hui de l’environnement économique bruxellois, à savoir la rareté et le prix élevé des espaces productifs sur le territoire régional. Un défi que la Région, et citydev.brussels en particulier, s’efforcent de relever, mais évidemment, l’aménagement de tels espaces prend du temps.

L’enjeu des ressources humaines

Ainsi que l’ont souligné la plupart des intervenants, le recrutement de collaboratrices et collaborateurs constitue un autre défi important, plus sans doute que dans d’autres secteurs. En les écoutant, la raison principale de ces difficultés nous est apparue assez clairement. Par définition, la production circulaire et durable autant que la réparation impliquent beaucoup de nouvelles compétences, des savoir-faire et des expertises encore trop peu répandues et disponibles. Abdoulaye Bah de Simandu : « C’est sans doute ce qui est le plus difficile pour nous, car les profils disponibles ne correspondent presque jamais à nos besoins. Savoir remplacer l’écran ou la batterie d’un GSM, ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de réparateurs polyvalents, ce qui implique des compétences en mécanique, en électromécanique et en électronique. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre en place notre propre parcours de formation en alternance de 12 mois, afin que les candidats motivés que nous retenons apprennent nos méthodes de travail pour être capables d’effectuer les réparations qu’on leur confie tout en adhérant à nos valeurs. C’est important. »

Très vite, c’est donc la question de la formation qui a été abordée et présentée comme l’une des voies à suivre, ce qui implique de fait d’adapter l’offre disponible en mobilisant les acteurs compétents en région bruxelloise.

Gérer les ressources

Par définition, l’économie circulaire implique une gestion des ressources et matières premières très différente de celles des activités productives traditionnelles. En effet, le recyclage, la réparation et l’upcycling nécessitent de disposer de produits et matériaux usagés en quantité suffisante pour pouvoir développer une offre crédible. C’est l’enjeu central des gisements de ressources. Et, dans ce domaine aussi, les témoignages des entrepreneuses et entrepreneurs autour de la table étaient riches d’enseignements.

Guilain Sevriere de Bel Albatros : « Notre métier, c’est la récupération de déchets plastique à partir desquels nous fabriquons des panneaux que nous vendons principalement à des décorateurs et des architectes d’intérieur. Cela signifie que nous avons des besoins relativement importants en termes de matière première, et je parle ici de déchets plastiques non souillés, les déchets domestiques ne conviennent pas.

Or, nous sommes installés à Recy-K, un site qui appartient à Bruxelles Propreté. Dès lors, on pourrait penser que cela a été facile pour nous de nous mettre en relation avec eux pour disposer de ces gisements de ressources. Mais ce n’est pas le cas. Dans la réalité, Bruxelles Propreté n’est pas vraiment en mesure de nous fournir des flux suffisants et adaptés, notamment parce que le type de tri dont nous avons besoin n’est pas exactement ce qu’ils pratiquent. C’est la raison pour laquelle nous nous fournissons principalement auprès d’entreprises qui nous donnent leurs produits plastique propres, invendus ou inutilisés. C’est le cas notamment d’un célèbre fabricant de sodas qui nous a livré près de deux tonnes de pailles en plastique. La recherche de fournisseurs constitue donc aujourd’hui une part relativement importante de notre travail. »

Comment grandir

Arrivé à un certain niveau de maturité, le prochain défi qui se pose est souvent celui de grandir pour accroître son impact positif sur la planète. Or, grandir implique la plupart du temps un changement d’échelle qui appelle des réponses multiples. Besoin d’espaces, de nouveaux collaborateurs, de ressources et de matières premières supplémentaires… cette perspective se traduit aussi par de véritables changements dans le métier même de l’entrepreneur qui doit passer du statut de créateur d’entreprise à celui de manager.

Fondatrice et gérante de Savvy (anciennement Trait Déco), Stéphanie Cornet a opté pour la solution des partenariats d’entreprise : « Ce défi est d’autant plus important pour nous que nous avons dû passer de la production artisanale à la production préindustrielle en petites séries, jusqu’à plusieurs centaines, voire quelques milliers d’exemplaires. Plutôt que de développer notre volume de recrutement, nous avons décidé de privilégier la sous-traitance, auprès d’Entreprises de Travail Adapté (ETA) en particulier. Le fait est que cela complique un peu l’organisation de la production, notamment pour faire coïncider les plannings, mais cela nous offre la souplesse dont nous avons besoin et cela va dans le sens de nos valeurs entrepreneuriales. C’est important aussi de souligner l’accompagnement disponible en région bruxelloise pour pouvoir se développer, un véritable écosystème de qualité. Il y a beaucoup de choses que nous avons dû apprendre pour atteindre ce niveau de production et les formations dispensées par hub.brussels en marketing, pricing, etc. nous ont été très utiles. »

 

On l’aura compris, ces échanges et témoignages ont véritablement permis d’éclairer certains points-clefs des expériences de ces entrepreneuses et entrepreneurs circulaires et durables à Bruxelles. En conclusion, ce qu’ils ont tenu à souligner ensemble c’est la nécessité de chercher en permanence des solutions pour faire vivre ces nouveaux modèles d’activité en ayant conscience de la nécessité de faire évoluer les mentalités et les représentations.

Plus d’information sur les entreprises

Bel Albatros : https://www.belalbatros.com/fr_BE

Conscient : https://conscient.be/

FIX’IT : https://www.fix-it.help/

Savvy : https://savvy-interior.be/en/

Simandu : https://www.facebook.com/justelectronique/